7 septembre 2022

Le Bénin : art, lumières et … vaudou

Son art et ses lumières, c’est ce que m’évoque le Bénin. Quid du vaudou ?

Nous y sommes, à la synthèse de cet essai. Tout est parti du fait qu’à l’instar de beaucoup de personnes – du moins, je l’espère -, Béninois ou non, Africains ou non ; j’en ai eu marre d’entendre, de lire, de déduire que les Béninois, TOUS les béninois seraient de redoutables sorciers. Ils seraient ainsi ni plus ni moins « bénis dans le noir ! » Autrement, des aliénés du vaudou. Ce funeste stéréotype est censé déclencher une grosse hilarité, mais en réalité, une profonde luciférisation du peuple. Les sarcastiques de l’enfer sont sûrs de leur coup. Que dis-je, fiers d’assombrir ainsi la réputation, l’histoire, la culture, le destin, la foi, la dignité, l’intégrité de toute une nation et sa diaspora. C’est qui les plus diaboliques finalement ?

Les béninois: Princes ou esclaves du vaudou ?

Telle a été la problématique que j’ai posée afin d’analyser « le phénomène ». Un phénomène, c’est bien ce que cela m’inspire.

Après sa présentation dans une première partie, j’ai opté, afin de mieux l’exposer, pour une illustration en fiction dans une seconde. Il est temps à présent de vous livrer ma fine-amère opinion sur cette rumeur abracadabrantesque.

Pour commencer, je réponds que non; ils pourraient être tout sauf des esclaves, du moins, ils ne le sont plus. Que sont donc les béninois s’ils ne sont pas « tous » des « redoutables sorciers » ?

La porte du non retour, Ouidah – Crédit Photo : Depositphotos

Si t’es pas un loup-garou, t’es quoi ?

Sculpture métallique de Dominique Gnonnou  » KOUAS  » ExpoArt Benin 2022 / Crédit Photo : Valetah

Eh bien, ils ont été Bio Guera, Hubert K. Maga, Paul Hazoumè, Abbé Gilbert Dagnon , MonSeigneur Isidore de Souza, Cardinal Gantin, Mathieu Kérékou, Jean Pliya, Conceptia Ouinsou; Albert Tevoédjrè, Rosine Vyera Soglo, Gnonnas Pedro, Alokpon, GG Vickey, Edia Sophie, Ange-Marie Badou , Marcelline Aboh, Stan Tohon, Zouley Sangaré, Ezin Gangnon, Victorine Agbato, Guy-Ernest Kaho…

Ils sont Olympe-Bhêly Quenum, Florent Couao-Zotti, Jérôme Carlos, Théodore Holo, Théodore Loko, Zul Kifl Salami, Kessilé Tchala, Dodji Amouzouvi, Monsieur Akueson, Angélique Kidjo, Sagbohan Danialou, Gbessi Zolawadji, Marie-Elise Gbèdo, Jemima Catrayé, Inès Facia, Nicanor Coovi…

Ils sont Kifouli Dossou, Moufouli Bello, Dominique Kouas, Julien Sinzogan, Euloge Glèlè, Yves Pèdé, Epaphras ToÏhen, Charly d’Almeida, Tchif, Romuald Hazoumè, Ignace Yéchenou, Sylvestre Amoussou, Djimon Hounsou, Simplice Béhanzin, Pierre Zinko, Prince Ogoudjobi, Fatima Alley, Olga Vigouroux, Jean Paul Amoussou, Marie-Cécile Zinsou, Zeynabou Habib, Gbèzé, Rabi Slo, Don Métok, Dibi Dobo, Blaaz, Teriba, Pépé Oleka, Nikanor, Oluwakèmi, Sessimè, Maureen Ayité, Queen Fumi, Axel Merryl…

Elles sont les habiles vendeuses du marché Dantokpa, les intrépides concasseuses de granite des collines de Dassa- zoumè, les surdouées salicultrices de Djègbadji à Ouidah, les charmantes artisanes du Wagashi à Parakou…

Ils sont les Justin Glèlè.

Ils sont la diaspora béninoise actrice et contributrice du développement mondial dans divers secteurs.

Ils sont les petites filles, les petits garçons, princes héritiers de papy Dahomey, sur les bancs, face au drapeau entonnant chaque matin l‘Aube Nouvelle; dans les ateliers de formations professionnelles, ambitionnant avec honneur de rentre fière Bénin, leur Reine-mère patrie.

Ils sont des princes noirs bénis de leurs ancêtres. Ils sont les lumières qui éclairent le Bénin au milieu du monde en marche.

Le béninois en quelques « vrais clichés »

Qu’est d’autre le béninois ( pour moi ) ?

Le béninois est brillant aussi bien techniquement, artistiquement qu’intellectuellement; poli, digne et fort serviable. Malheureusement, il démontre un tantinet plus cette dernière qualité à l’étranger et envers l’étranger. ( Humour du sort ! )

Pendant que certains s’amuseraient à « foutre la merde » sur les territoires « des gens », le béninois standard; celui qui est taxé de partout de grand sorcier se servirait de l’expérience de leurs failles pour s’illustrer positivement. Mais surtout pour sortir vainqueur de tous les challenges à lui imposés. La légende du vieux surnom  » quartier latin d’Afrique  » et la rareté de la nationalité béninoise à l’affiche des faits divers internationaux en sont des illustrations intéressantes.

Je suis béninois, je dois briller… à nos dépens !

Non, le béninois standard ne se distrait pas à fomenter des clichés sur d’autres cultures. Il est bien trop occupé à vouloir décrocher et brandir sa médaille au nez de son frère et son cousin restés respectivement à Allada et à Malanville; pendant que ces derniers s’échinent à ensemencer plus d’hectares de bois de teck ou avoir le plus gros cheptel de bœufs afin de narguer leurs voisins de « case » et ainsi de suite.

Quoiqu’il lui en coûte, et parfois aux autres (consciemment ou non), le béninois standard rêve intimement d’être le meilleur partout, en tout. Contrariant ainsi une illustre qualité qui lui est souvent reconnue: l’humilité. C’est cela sa vraie malédiction. Puisqu’il faut forcément les accabler de clichés, je plussoie Justin Glèlè en leur collant ainsi le mien et Dieu seul sait qu’il en reste un paquet et bien moins reluisants ! Oui, ils ne sont pas les plus parfaits, mais certainement pas aussi nuisibles qu’on s’efforce à les faire passer.

S’ils (braves peuple béninois) semblent aussi inoffensifs pourquoi cette terrifiante étiquette ? Pourquoi diantre sont-ils autant  » persécutés  » ? Parce que l’étrange fait fantasmer les esprits. Il crée autant d’ultracrépidariens que d’illuminés.

Le royaume du vaudou en question

Je suis béninois, digne enfant de mes ancêtres.

L’extrême attachement du béninois standard à sa culture; le profond enracinement du culte aux divinités endogènes dans cette contrée, un peu plus qu’ailleurs contribuent forcément à nourrir ce cliché fantastique de redoutable sorcier.

Trône du roi Guezo restitué au Bénin par la France en Novembre 2021 – Trésors royaux, ExpoArt Benin 2022 / Crédit Photo : Valetah

Le plus ou moins drôle paradoxe ici est que cela ne fera de lui moins adepte d’une autre religion exogène. Vous ne trouverez presque pas plus laïque que le Bénin. Là-bas, ce n’est pas une forfaiture d’être athée, musulman ou chrétien … Ou  » divinement  » gourmand. Le plus important est que la prière soit exaucée ! Le tableau ci-dessous du génie plasticien Julien Sinzogan intitulé L’Épiphanie des initiés, couplé à l’emplacement insolite du Temple des Pythons et de la basilique Notre Dame de la Conception à Ouidah caricaturent parfaitement cette fascinante tolérance religieuse. 

L’Épiphanie des initiés de Julien Sinzogan – ExpoArt Bénin 2022 / Crédit photo : Valetah

Le Bénin, plutôt pittoresque qu’épouvantable

L’étrange a toujours fait peur, je vous l’accorde. Ils ont quand même décrété une journée pour célébrer le vaudou ! Mais au delà des croyances, des super-pouvoirs et autres affabulations hallucinatoires, la réputation du Bénin; celle des béninois souffre plutôt de l’enchanteresse de sa culture.

Je serais maladroite d’affirmer que là-bas, l’Art et le Vaudou ne font qu’un, mais j’en suis si tentée. Visiter ce fameux musée d’Art au Bénin m’a emplie de tellement de fascination. Plus qu’un voyage fantastique dans l’espace – temps, passé-présent-futur, cette galerie diptyque a galvanisé mon admiration; arraché mes bribes d’appréhension (un peu, j’avoue) et m’a conté des histoires, une épopée mélancolique de légendes plus que vivantes; de trésors inestimables. Au point de se demander comment peut-on se damner de porter un tel héritage à jamais inaliénable ?

Béninoises, Béninois, arrêtez de soupirer comme Justin Glèlè lorsqu’ils vous accablent de ce poinçon. Plus jamais, ne vous sentez plus jamais honteux de porter votre histoire, l’authentique dont ils sont à mille lieux. Portez-la en triomphe, toujours haut comme la stature de vos légendes.

Je propose pour ceux ( les téméraires juges du tribunal de Poudlard ) qui aimeraient une chance de se rattraper ou simplement à quiconque souhaitant vivre une expérience culturelle enrichissante et fort atypique, de faire un tour à Cotonou, au Bénin pour y découvrir ces trésors royaux revenus au bercail ; ces mythiques et mystiques souverains vaincus, ressuscités en héros. Mais pas qu’eux.

Je vous confiais qu’ils ont été gâtés en génie, ces bénis d’Athéna ; vous le confirmerez devant les dizaines de chefs-d’oeuvres allégoriques aux airs, pour certains tourmentés mais définitivement pas hantés, de leurs artistes contemporains résidents et de la diaspora. Je vous présente déjà quelques échantillons tout au long de cette chronique.

Si vous prenez le défi, accordez-vous une petite heure supplémentaire pour bifurquer vers Porto-Novo, la jadis citadelle du Roi Toffa 1er, aujourd’hui fief des fameux gardiens des nuits béninoises ( Zangbéto) afin de faire leur connaissance grandeur nature.

Temple des Zangbéto, Porto-Novo Bénin – Crédit photo: Adoscam – Wikimédia Commons

Q.G du vaudou, mais il y a de la place pour tous !

L’esprit quelque peu égayé, redescendez vers Ouidah, la célèbre capitale mondiale du vaudou et son incontournable Temple des pythons souriant à la magnifique basilique Notre Dame de la Conception. Vous vous amuserez de l’insolite que je vous révélais un peu plus haut.

Pourquoi abréger l’aventure alors que la jadis capitale du Dahomey ne se trouve qu’à une centaine de kilomètres ? Vous auriez l’honneur à votre tour de découvrir la très chère Agbangnizoun de Justin Glèlè. Mais surtout la fameuse terre d’obsession du roi Béhanzin : Abomey, le berceau des illustres souverains ! Avec ses fascinants couvents vaudou et historiques palais royaux dont les passionnés guides vous conteront les prouesses des intrépides rois et de l’unique reine du Danhomey. Ils ne manqueraient pas de vous parler des Amazones, les fameuses guerrières consacrées.

En poussant un peu votre curiosité, vous trouveriez encore le courage de longer le pays vers sa tête et atterririez dans les magnifiques Tata du peuple Somba; imprenables forteresses d’antan. On vous y raconterait la fabuleuse histoire de la fête de la Gaani du coté des Bariba ainsi que celles des vaillants conquérants de l’extrême Bénin.  

Découvrir l’étrange pour l’apprivoiser

Après ce périple au Bénin, vous devriez en savoir un peu plus sur l’authenticité de ce peuple à la culture, je vous l’accorde, fantasmagorique et délaisseriez les fables gothiques à son endroit.

Pour vous, chers procureurs les plus sceptiques qui rechigneriez à vous y déplacer, vous pouvez toujours vous contenter du tourisme virtuel en allant sur internet (il ne sert pas qu’à répandre des clichés lugubres sur d’autres peuples). Ou mieux, optez pour une rencontre littéraire historique en parcourant la pléthore d’encyclopédies et revues sur l’épopée culturelle du Bénin. Je vous recommande les travaux sur Doguicimi du maestro Paul Hazoumè. Vu votre passion pour les histoires rocambolesques, vous viendrez sûrement, avant moi, à bout de ce dédale  » historico-romantico-fantastique « .

Interroger, lire, comprendre, vérifier : c’est le minimum à faire avant de s’octroyer la responsabilité de répandre et entretenir une rumeur sensible. Encore plus de nos jours ou l’infox est en passe de devenir la pire arme de destruction massive.

Je suis béninois, tu vas voir !

Sculpture métallique de Dominique Gnonnou  » Kouas  » Art Contemporain – ExpoArt Benin 2022 Crédit Photo : Valetah

Ce sordide cliché a la peau si dure que je me demande s’il viendra véritablement à disparaître un jour. HA les gens !

Plutôt que d’en déprimer, s’en offusquer comme certains citoyens du monde tels que moi, certains béninois; presque béninois et tout sauf béninois ont trouvé le moyen d’en tirer profits. Le foisonnement des annonces prometteuses de miracles de puissants marabouts et autres grands maîtres pseudo béninois qui polluent quasiment tous les sites et posts sur les réseaux sociaux en est la regrettable démonstration. 

Moins dommageable ou pire, également cette parade désespérée d’auto-défense de l’immigré persécuté à l’étranger:   « Je suis béninois, tu vas voir !  » Béninois, presque béninois et tout sauf béninois de l’étranger, jurez que vous n’avez jamais brandi cette « redoutable » menace à un enquiquineur ou y avoir simplement pensé pour vous en débarrasser ?

Plus sérieusement, si pour moi le Vaudou s’apparente à de l’Art et que les artistes sont souvent incompris, tout devrait être dit, mais je préfère que tout change. Que nous changeons cette propension à juger négativement, à couvrir systématiquement d’opprobre ce qui ne vient pas de nous; de chez nous.

Les concernés( certains béninois ) devraient initier la bonne résolution en s’abstenant d’y voir une quelconque fierté. Il n y a aucun honneur à s’enorgueillir d’un pseudo pouvoir destructeur hormis contribuer à dessein à noircir sa propre culture. Ne vous livrez plus à cet auto-sabotage. Surtout pas pour rire. On ne peut malheureusement plus rire de tout dans le nouveau contexte mondial.

Conclusion  » Il y a de tout partout  » (disclaimer )

Mon but en m’aventurant sur cette problématique cultuelle n’est pas de dissimuler ou occulter le postulat mystique ou divin du Dahomey ni de banaliser le rapport des Béninois au vaudou. Ils l’assument en tant que toile de fond de leur culture, peut-être à degrés relatifs, mais ils l’assument unanimement. Ils ne réclament que d’être jugés, si cela est indispensable, sur leur civilisation d’aujourd’hui.

Héritiers d’un douloureux passé belliqueux et sanglant, les princes béninois ont émergé de l’obscurité et poursuivent chaque jour leur quête vers la lumière. Leurs ancêtres apaisés semblent les y accompagner. Certains y croient dur comme iridium. D’autres le tolèrent en guise d’honneur, de respect; une scarification de leur histoire qu’ils sont condamnés à porter; et des vilains, puisqu’il y en a toujours et partout ont juré donner vie aux cauchemars d’antan. À vous de choisir d’y être acteurs, mais limitez le casting à vous et votre épopée noire. Parce que définitivement non, ils ne sont pas bénis dans le noir. Lumières dans nombre de domaines, les béninois standards brillent plus que jamais.

Tous les pays, ont fort heureusement des « conteurs  » qui se chargent de relater leur histoire au monde. Profitez-en pour apprendre la vôtre et vous découvrirez qu’il existe, d’une manière ou d’une autre autant sinon plus  » suspects  » que les béninois.

Encore une fois, cet essai n’est nullement pour défier quelque croyance ou pratique religieuse. On craint bien l’enfer et rêve désespérément du paradis promis dans les livres Saints, alors gardez à l’esprit que le monde est fait de tout. Je martèle: IL Y A DE TOUT PARTOUTLa prochaine fois que vous voudrez persifler un Malien, un Belge, un Norvégien, un Sri-Lankais, un Français, un Nigérien sur l’essence de sa culture, ce sera à vos risques et ennuis !

Oulah je redoute de faire un cauchemar maintenant ! Vite que je trouve à analyser un autre cliché moins sombre !

Et c’est la fin de cette chronique. Je rêve à présent de découvrir ce qu’elle vous inspire.

P.S : RIP « Cygnus »

Ma plume sensible ne saurait rester sur un coup de gueule. Je partage donc avec vous ce foudroyant coup de cœur. J’ai finalisé la construction de cette chronique en me laissant bercer par Yvan Buravan sur son nouveau / dernier titre BigTime. Oh mon Dieu, quelle douceur vitaminée, quel talent ! Encore un délice découvert à la montée de l’aube sur RFI. Seul Dieu sait à quel point ces pépites du fameux Prix Découverte de RFI stimulent mon inspiration dès le réveil. Devrais-je peut-être en faire un billet ?

Je qualifiais ce coup de cœur de foudroyant parce que découvrant le talent unique de l’artiste en même temps que l’annonce de sa montée au ciel ce mercredi pourpre, 17 août 2022. Je prie pour qu’il y repose en paix. 

Yvan, cygnus pétri de génie, virtuose du Goodvibes, te voilà promu membre honorable des choeurs célestes, éclate-toi et fait danser les anges ! En attendant de te revoir en action, nous exécuterons ici ta dernière recommandation : Let’s spread love one time, big time !

Crédit photo: Pixabay
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Commentaires

HAZOUME HOUETO Sonia
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Waoh waoh waoh! Belle plume.
Merci pour ces belles images.
Bon courage pour la suite!

Valetah
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Merci à toi, vraiment !

Mawulolo
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En tout cas, lorsque tu effectues un voyage au Bénin on te prévient de tout ça.
Pourtant tu vas au Bénin tu peux même croiser des querelles de rue où les gens y vont juste de mots pendant que tu t'attends à voir sortir des incantations et des flammes...
Sacrés stéréotypes quand tu nous tiens...
Bel article

Valetah
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Absolument ! C'est vraiment à se taper la tête contre les murs.